Priorités ferroviaires wallonnes : du gaspillage en temps de disette

La Coopérative politique VEGA a pris connaissance des priorités décidées, ce jeudi 7 novembre, par le gouvernement wallon en matière ferroviaire. Le moins qu’on puisse dire est que ce document ne témoigne pas d’une vision très claire de l’avenir du chemin de fer en Wallonie.

Le contexte de cette décision régionale est celui du choix, par le gouvernement fédéral, d’allouer à la SNCB, dans son Plan d’investissement 2013-2015, des moyens gravement insuffisants, qui ne permettront pas de développer le transport ferroviaire à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes confrontés, depuis l’impératif de réduction des gaz à effets de serre jusqu’à la congestion urbaine devenue particulièrement préoccupante dans les grandes villes du pays en passant par la dépendance de notre économie aux importations d’énergie fossile qui pèsent lourdement dans la balance commerciale. Ce choix de sous-investir dans le rail est inepte et incompréhensible dans la mesure où, in fine, le défaut d’investissement est manifestement beaucoup plus coûteux qu’une politique volontariste |1|.

Dans de telles conditions, on attendait de la part du gouvernement wallon une grande capacité de discernement, permettant, à défaut de pouvoir réaliser tous les investissements nécessaires, d’orienter les moyens de la manière la plus judicieuse et efficiente possible. Tout au contraire, le gouvernement wallon a choisi de miser une très grande partie des moyens disponibles sur un seul projet, particulièrement discutable : la construction d’une gare desservant l’aéroport de Gosselies. Ce projet est — à l’heure actuelle, c’est-à-dire à un stade très éloigné de tout chiffrage précis — estimé à 482 millions d’euros (412 sans certains branchements qui seraient réalisés ultérieurement). Loin de s’inscrire dans un projet de transport public pour le Nord de l’agglomération carolorégienne, cette gare sera située en bordure d’autoroute, à l’écart des réseaux structurants qui desservent les quartiers et communes alentours. Loin d’améliorer la connexion entre Charleroi et Bruxelles, le détour que feront les trains desservant l’aéroport allongera encore le temps de parcours entre Charleroi-Sud et les gares bruxelloises, pourtant déjà l’un des plus lents du réseau belge. Bref, cette gare n’est conçue que comme une contribution au développement de l’aviation low-cost, dont le modèle social broie les conquis sociaux à grandes enjambées, dont le modèle financier repose sur des subsides publics et divers échappatoires fiscales et dont le modèle économique, dépendant d’un pétrole bon marché, n’est viable — pour quelques décennies encore, tout au plus — qu’au prix des pires scénarios en matière d’exploitation des ressources énergétiques carbonées, autrement dit : peu ou prou du suicide collectif de l’humanité.

Forcément, après avoir mis toutes ses billes dans un tel panier percé |2|, il ne reste plus grand chose au gouvernement wallon pour les projets visant à l’amélioration des conditions de déplacement des usagers quotidiens du chemin de fer. Nous ne ferons pas ici l’inventaire des lacunes et des manquements. Nous nous contenterons de noter, pour ce qui concerne la région liégeoise, que le réseau express liégeois (REL) ne reçoit qu’une enveloppe anecdotique de 25 millions d’euros, destinée à la réouverture au trafic voyageurs de la ligne 125A et à la remise en service de quelques points d’arrêts non gardés |3|. Il faut dire que l’étude « REC-REL », commandée par le gouvernement wallon et examinant la faisabilité de réseaux express ferroviaires autour de Liège et Charleroi, semble être toujours... à l’étude. Et arrivera donc après que toutes les décisions importantes pour les 12 prochaines années aient été prises.

La Coopérative politique VEGA ne s’accommode pas de cette incurie ni de la relative indifférence |4| dans laquelle elle produit ses effets sur les usagers quotidiens du rail, en particulier dans les grandes villes. Pour VEGA, la réalisation de réseaux de type RER autour des quatre grandes villes régionale — Anvers, Charleroi, Gand et Liège — devrait être une priorité absolue du développement ferroviaire en Belgique.

Par conséquent, nous demandons au gouvernement fédéral d’amender le Plan d’investissement en faveur des réseaux express autour de ces quatre villes.

Nous rappelons qu’un investissement de l’ordre de 200 millions d’euros permettrait de réaliser un réseau complet autour de Liège, sur les lignes 36 (Waremme), 125 et 125A (Seraing et Huy), 37 (Verviers), 40 (Visé) et 34 (Tongres), voire 42 et 43 (Aywaille).

Nous appelons à une mobilisation générale en faveur de la réalisation d’un « REL », en vue des prochaines élections régionales et législatives. Nous appelons les partis qui présenteront des listes à Liège à prendre des engagements clairs en faveur d’un investissement d’au moins 200 millions d’euros dans le REL au cours de la prochaine législature. Nous appelons les électeurs à conditionner leur soutien aux partis et candidats qui se présenteront à de tels engagements.

|1| Sans même parler des impacts en matière de santé publique ou sur des dimensions moins quantifiables comme la qualité de vie en ville, la Chambre de commerce bruxelloise (Beci) estimait par exemple, cet été, à 511 millions d’euros le coût annuel des embouteillages dans la seule ville de Bruxelles (et la situation se détériore de manière sensible d’année en année).

|2| 270 millions sur les 948 budgétés sur les 12 ans à venir, le solde étant à financer sur le plan suivant.

|3| La version dite « maximaliste » du REL (chiffrée à 80 millions d’euros) est quant à elle mentionnée parmi les projets non retenus, non sans mentionner, par allusion au dépôt du tram dont l’implantation empêchera la construction d’un franchissement ferroviaire de la Meuse en aval de Liège, qu’une partie de ce projet « n’est pas compatible avec les projets développés entre-temps sur Bressoux ». Ou quand la Région wallonne torpille les projets de la Région wallonne...

|4| En mai dernier, nous interpellions l’échevin de la mobilité de la Ville de Liège, Michel Firket. Sa réponse lénifiante et condescendante — « circulez, on s’occupe de tout » — mérite d’être relue à la lumière des décisions prises depuis lors aux niveaux fédéral et régional.

 

Réagir, commenter, compléter, critiquer,...

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Les commentaires postés par les internautes


Priorités ferroviaires wallonnes : du gaspillage en temps de disette

Posté le 8 novembre 2013, par Kikoulol

à pleurer ...

l’aéroport carolo ne peut-il pas, pour un coût bien inférieur, être relié par le tram (aussi appelé abusivement métro) de Charleroi ?? on y a investi dans ce tram carolo, autant le pousser au bout de ses capacités !!!!

et en plus, ça ne grèverait pas les montants pour la politique ferroviaire

Répondre à ce message

Priorités ferroviaires wallonnes : du gaspillage en temps de disette

Posté le 9 novembre 2013, par Paul Pirson

J’aime bien l’expression "conquis sociaux". :-)

Répondre à ce message