Communiqué de presse du 22 octobre 2021
Après des mois de polémique, le Collège communal de la Ville de Liège a donc décidé de supprimer l’aménagement cyclable qu’il avait fait réaliser rue Maghin.
Cette décision sanctionne une gestion particulièrement calamiteuse du dossier, de bout en bout, sur laquelle il n’est pas inutile de revenir — dans l’espoir d’éviter que de tels épisodes se reproduisent.
a) Les problèmes débutent avec l’absence de concertation autour de l’aménagement prévu : le Collège a décidé seul du projet, réalisé en interne par l’administration (et dont le principe avait été évoqué en « Task Force »), sans concerter les acteurs associatifs du quartier ni ceux de la mobilité douce.
b) Conséquence du point précédent et d’un déficit manifeste de soin apporté au projet, l’aménagement réalisé s’avère particulièrement problématique, à beaucoup d’égards, pour l’ensemble des usagers : insuffisamment sécurisé voire dangereux pour les cyclistes (de simples marques de peinture au sol, entre trafic et stationnement, soit la pire des configurations), générant un report de trafic important dans une rue inadaptée (la rue des Franchimontois) voire des comportements délinquants (la remontée de la rue à contre-sens, sur la piste cyclable, par des automobilistes pressés),… on aurait voulu fabriquer le fiasco qu’on ne s’y serait pas pris autrement.
c) De surcroît, cet aménagement a été mis en place alors que le quai Saint-Léonard est en chantier pour le tram, ce qui génère pour le moment un report de trafic conséquent dans le quartier : n’aurait-il pas été judicieux — imaginons ! — d’attendre la fin du chantier avant de mettre la rue Maghin à sens unique ?
d) Logiquement, cette manière de faire a soulevé de l’incompréhension dans le quartier, et suscité la colère de certains habitants — même si d’autres étaient satisfaits de la création, après tant d’années d’attente, d’un premier aménagement cyclable significatif dans ce quartier.
e) Plutôt que de réunir les acteurs pour chercher une solution de compromis, le bourgmestre a alors lancé une consultation sous forme d’un questionnaire distribué dans les boîtes aux lettres du quartier, proposant trois options : le retour à la situation antérieure, le statu quo ou l’inversion du sens de circulation d’une rue de quartier. Ces trois options, décidées arbitrairement par le Collège, sont pourtant loin de représenter l’éventail des possibilités disponibles. Nous rappelons en particulier que la largeur au point le plus étroit de la rue (1600 cm, entre les rues Régnier-Poncelet et Jonruelle) permet parfaitement de créer une double piste cyclable (2 * 110 cm) tout en laissant un trottoir confortable (2* 250 cm), deux rangées de stationnement (2* 180 cm) et une circulation à double sens (à condition de déplacer les bordures de quelques dizaines de centimètres) : pourquoi ne pas avoir envisagé cette possibilité ? Il était aussi possible de transférer une quarantaine d’emplacements de stationnements vers l’intérieur d’îlot (en ouvrant aux habitants le parking de l’ancienne gendarmerie), libérant de la place pour envisager divers aménagements qualitatifs de l’espace public : là encore, pourquoi cette option ne faisait-elle pas partie de celles qui ont été soumises aux habitants ?
f) Cette « consultation » dont tout le monde a pu constater d’emblée le caractère bancal a reçu... 198 réponses, dont 157 favorables au retour en arrière. Loin de nous l’idée de déconsidérer ces 157 répondants, mais ils représentent moins de 1,5% de la population du quartier Saint-Léonard. On peut aussi relever que les cyclistes venant de l’aval et empruntant cet itinéraire quotidiennement pour rejoindre le centre (soulageant par ce choix modal la pression sur le centre et sur ses voiries d’accès) n’ont pas été consultés : le choix de tenir ce public à l’écart reflète un parti pris très regrettable de la part du Collège.
g) Sur base des maigres résultats de cette enquête, le Collège vient donc de décider — une fois encore sans la moindre concertation — de détruire l’aménagement réalisé, pour le remplacer par une… rue cyclable, c’est-à-dire par un dispositif peu adapté au contexte (et dont l’évaluation des premières expériences liégeoises s’avère très mitigée).
Alors que Liège présente déjà un retard énorme en matière de cyclabilité, alors que, depuis des décennies, les plans cyclables restent incapables de produire des itinéraires sécurisés continus à travers la ville, cette décision est un signal terriblement négatif, qui place la majorité PS-MR en porte-à-faux avec l’aspiration d’une grande majorité des urbains — et notamment de la jeunesse — à une transition vers une ville apaisée, sécurisante pour les usagers actifs, libérée de la pollution de l’air.
Face à ce fiasco complet, la Coopérative politique VEGA appelle à ce que les acteurs du dossier soient très rapidement convoqués afin de reprendre les discussions en vue de trouver un aménagement permettant de garantir la cyclabilité de cet axe important d’une manière respectueuse de l’ensemble des habitants et usagers du quartier (axe identifié depuis très longtemps parmi les priorités en matière d’itinéraires cyclables, rappelons-le).
Nous appelons aussi, au vu de l’incapacité actuelle des services communaux à produire des aménagements cyclables de qualité, à ce que des bureaux spécialisés dans ce domaine soient désormais associés de façon systématique aux projets cyclables.
Pour la Coopérative politique VEGA,
François Schreuer
Conseiller communal de la Ville de Liège
Photo : comité de quartier Liège Nord.
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Les commentaires postés par les internautes
Faire bouger des bordures : impossible
Bonjour François,
Triste le changement mais les faire bouger des bordures impossible : il y a 10 ans que je demande des abaissements de bordures. Mais mettre des barrières pour nous empêcher de passer oui, tout ça pour des quates qui ne passe jamais par là
Pourquoi pas une équipe compétente et innovatrice au lieu du rafistolage ?
Pourquoi ne pas confier ces sujets à une équipe compétente et innovatrice au lieu de faire du rafistolage et prendre des demi mesures inutiles et dangereuse (rues cyclables hyper dangereuses car remplies d’automobilistes idéologiquement opposés à l’invasion des cyclistes sur leur territoire)
Je trouve que dans la rue Maghin il y aurait parfaitement moyen de faire des pistes cyclables entre les voitures stationnées et le trottoir, et ce de chaque côté de la rue ! Elle est assez large pour ça ! Voire même ajouter des arbres...
Il faudrait aussi mettre des casse-vitesse un peu partout dans les rues cyclables et bien plus de panneaux, et les faire beaucoup plus grands et plus visibles car les automobilistes ne (veulent pas voir) voient pas bien la signalisation...
Rappeler le 30km/h partout et le rappeler encore et encore et verbaliser un maximum les chauffards (je vis dans le quartier et les connards agressifs sont légion, faut vraiment être franc et quasi prêt à en découdre si on veut prendre ses droits de cycliste dans ces quartiers où les baraquies sont rois...
Vivement plus de douceur sur les routes liégeoises
Merci, Monsieur, pour cet article et vivement un peu (beaucoup) plus de douceur sur les routes liégeoises.
Encore possible d’intervenir ?
Bonjour,
Merci pour votre intervention pertinente. Pensez-vous qu’il soit encore possible d’intervenir avant que cette décision rétrograde ne soit mise en oeuvre ?
Cordialement,
Sur le même pied que ceux qui ont mal emmanché ce dossier
Monsieur Scheurer,
"157 répondants 1,5% du quartier". Tout d’abord ce questionnaire n’a pas été envoyé à tout le quartier Saint-Léonard. D’autre part, il y avait un questionnaire par habitation / boite aux lettres et non par habitant. Vous biaisez donc ces chiffres dans votre sens. Par ailleurs, il semble que vous référez actuellement à une pétition (sur change.org) qui, elle, n’est pas limitée géographiquement mais qui, si on la rapporte à la population de la ville, représente bien moins que 1,5% de la population... enfin, une rapide comparaison entre les chiffres telraam et un simple comptage visuel indiquent le peu de fiabilité de cet outil... mais comme ces faux chiffres vous confortent vous les utilisez...
Vous faites appel dans votre article à la "concertation", mais revendiquez le maintien de la situation actuelle établie sans aucune concertation en appelant "à étudier", ensuite, la mobilité à l’échelle du quartier. Peu importe ses effets de bords subis depuis plus d’un an : les détours qu’elle implique pour un traffic local, ce qui a des impacts en terme d’émissions de CO2, particules fines, nuisances sonores, sécurité (accidents très réguliers au carrefour Franchimontois - Jonruele), etc.. Vous aviez l’opportunité de vous prononcer bien avant, vous avez entendu les récrimination des habitants quelques semaines après la mise en place du sens unique. Habitants bien souvent pour le développement du vélo, mais pas de cette manière ! Puis on ne vous pas entendu sur le sujet avant ces derniers jours. Excédés, les habitants impactés étaient enfin soulages. Tristes de cette gestion rocambolesque, mais soulagés. Merci d’avoir contribué avec votre grande expertise à cette question. Vous parlez de "concertation", alors qu’en réalité, vous ne roulez (si on peut oser le dire ainsi) que pour une option, peu importe les dommages collatéraux. Cela vous met sur le même pied que ceux qui ont mal emmanché ce dossier. Sincèrement, Merci.
Quelques réponses
Merci pour ce message argumenté (ça fait plaisir à lire, un peu de contradiction).
J’essaie de répondre à l’ensemble de vos objections.
1. Sur les aspects démocratiques, j’ai dit et répété (notamment lundi soir au Conseil communal) que, à mes yeux, ni une consultation mal emmanchée ni une pétition en ligne ne constituent des formes satisfaisantes du débat public. Je ne suis pas à l’initiative de cette pétition, mais il me semble légitime de renvoyer dos-à-dos ces deux dispositifs bancals.
2. Sur le 1,5% du quartier, je reconnais que la formulation est un peu polémique, quoique pas inexacte (allez, j’aurais dû rapporter à la population majeure, je ne l’ai pas fait en pensant à une certaine consultation populaire où on ne l’avait pas fait non plus, mais je reconnais que ça devient cryptique, là). Mon intention était surtout de souligner l’absurdité de consulter les habitants de telle rue, mais pas de la suivante (où habitent peut-être pourtant 10 cyclistes usagers de l’infrastructure). Mais soit, je vous laisse le point sur cette objection.
3. Sur les chiffres Telraam (un dispositif qui a reçu le soutien de la Ville de Liège, rappelons-le), quand je les ai cités, je n’avais pas de raison de douter de leur fiabilité. J’entends depuis lors des réserves à leur propos et j’attends une clarification à ce propos (tous les chiffres Telraam sont-ils foireux ? si juste ceux-ci, pourquoi ?).
4. En ce qui concerne la concertation, j’ai fait plusieurs démarches pour qu’elle ait lieu (j’ai même proposé mon concours), sans succès. Vous dites aussi qu’on ne m’a pas entendu, j’ai pourtant consacré beaucoup de temps à ce dossier, mais pas forcément d’une façon visible.
5. Quant aux difficultés rencontrées par les habitants du quartier, non, je ne les néglige pas du tout. Depuis le début, j’ai souligné le caractère improvisé et insatisfaisant de l’aménagement réalisé. J’ai dit et répété (encore ci-dessus) qu’il était regrettable d’avoir entrepris cette modification de la circulation alors que les travaux du tram compliquent considérablement la mobilité aux alentours.
6. Pourquoi s’opposer à de nouveaux travaux précipités ? Pour trois raisons : a) faire, défaire, refaire, ça coûte cher (vraiment), b) ça complique la vie de tout le monde et c) après cet épisode dramatique, ça va vraiment être compliqué de trouver les énergies de faire aboutir un projet cyclable de qualité sur cette rue et ça, j’espère quand même qu’on sera d’accord pour dire que c’est un vrai souci.
Telraam
Merci pour votre réponse détaillée.
Les habitants subissant les "dommages collatéraux" sont exténués et espéraient enfin le retour a un peu de quiétude...
Concernant la telraam rue Maghin, elle indique en moyenne 250 voitures par jours et 1 véhicule long. Alors que d’après les horaires, il y a 109 passages de la ligne 1 et 70. Soit 179 passages, ce qui ne ferait donc que 80 voitures par jour rue Maghin. très loin de la réalité... On peut donc objectivement avoir des doutes sur l’exactitude de la mesure.
La telraam de la Rue des Franchimontois indique elle, par contre, 1250 voitures par jour en moyenne.. auquel il faut ajouter les véhicules longs... et là, ça ne semble pas être loin de la réalité.