Défendre les métiers de la création, sous leurs multiples facettes économiques, sociales et artistiques

La Ville de Liège a la chance d’être habitée par de très nombreux créateurs dans toutes les disciplines. Ce vivier de talents est un gage de grande vitalité pour notre Cité : comme n’importe quels autres secteurs plus « classiques », les métiers de la création attirent les investissements, le tourisme, l’innovation technologique, mais également d’autres nouveaux talents. Mais ce facteur économique, s’il est notable, n’est pas pour autant le seul apport de la création : ces métiers suscitent également par excellence la réflexion et l’inventivité. Facteurs de progrès humains, ils secouent les mentalités, suscitent la rencontre de publics variés et sont de véritables moteurs de l’émancipation sociale, contribuant notamment à la formation et à la remise au travail de certaines personnes plus fragiles, précarisées ou en décrochage…

Pourtant, dans le même temps, beaucoup de ces professionnels rencontrent de véritables difficultés à vivre de leur art, le milieu professionnel n’aménageant pas toujours des espaces adéquats à ces pratiques culturelles et artistiques qui nécessitent un investissement et un temps de création très spécifiques, bien éloignés du circuit productiviste et commercial. Aujourd’hui, les professionnels de la création font partie des premières victimes de l’austérité aveugle des politiques budgétaires. Un grand pan de ces professionnels se sont vus ces derniers mois privés de droits sociaux qu’ils avaient acquis, ou de l’accès à ces droits, l’ONEM ayant fortement restreint l’accès au chômage sur base de la règle du cachet (base de l’accès au Statut d’Artiste) et la demande de prolongation de la protection de l’intermittence |1|. Il est grand temps de clamer que cette austérité est dangereuse pour l’ensemble de la société : parce qu’elle précarise des gens qui participent grandement au rayonnement de la Ville, à son essor économique et social ; qu’elle les accule au travail au noir ou au secteur indépendant dans lequel ils ont très peu de chance de développer leurs activités dans de bonnes conditions de création ; voire au recours aux CPAS déjà trop largement sollicités.

VEGA veut travailler en profondeur à un changement des mentalités dans ce domaine : nous pensons d’abord qu’il convient de soutenir toutes les disciplines et expressions artistiques, sans jamais poser un frein à leur liberté. Sans jamais les moraliser ou les normaliser. Sans les inféoder aux tendances, aux logiques de respectabilité, de notoriété et de rentabilité. En encourageant toujours les possibles voies nouvelles, impertinentes et subversives dont notre démocratie a grandement besoin. Nous pensons dans ce sens que le devoir d’une autorité communale est de mieux intégrer cette vitalité créatrice dans le champ de la vie communale, économique, sociale, éducative, etc

Nous proposons que soient pris en compte les besoins spécifiques de ces métiers en termes de temps, d’équipements et d’infrastructures. À Liège, il existe une importante demande d’ateliers d’artistes et de salles de répétitions à loyers bas, mais aussi de laboratoires d’idées et de performances telles que les résidences d’artistes. Nous souhaitons coordonner les initiatives, et aider les artistes à sortir de l’isolement. Dans cette perspective, VEGA propose de réaliser un cadastre de tous les moyens existants et d’assurer leur accessibilité à moindre coût dans une optique de mutualisation et de meilleure collaboration entre les opérateurs culturels et artistiques. De la sorte, VEGA entend :

  • mieux identifier les insuffisances du secteur ;
  • prendre en compte les besoins spécifiques des métiers culturels en termes de rythme de travail, d’équipement et d’infrastructure ;
  • promouvoir une protection sociale adéquate, notamment en sécurisant pour tous l’intermittence professionnelle caractéristique du secteur ;
  • mettre en place, en collaboration avec les structures déjà actives sur le terrain (la Smart asbl, Clust’Art, Creativ’Drive, etc) et le pouvoir communal, des services mutualisés nécessaires à la création et à la diffusion artistiques (services administratifs, financiers, immobiliers, co-working, etc) ;
  • encourager la création de plus de pôles d’entreprises (sur le modèle du Pôle Images de Liège) et d’ateliers artistiques, de centres d’expression pour tous les publics de la vie liégeoise, notamment dans l’optique de diversifier l’offre culturelle et artistique.

VEGA, nous considérons que la Culture est une affaire sérieuse. Nous voulons dégager des moyens par un mécanisme de mutualisation et les investir, sur base d’une réflexion avec les acteurs de terrain, pour que se développent à Liège de véritables lieux de création et de production culturelles. Nous voulons également que ces lieux soient assortis des compétences nécessaires pour permettre aux Liégeois de mener à bien des projets ambitieux « sur le fond », de se professionnaliser, et de se faire connaître jusqu’en dehors de nos frontières. Car nous ne voulons pas que cette Culture soit uniquement considérée comme un divertissement, ou une marionnette économique à brandir pour le seul plaisir des touristes. Pour tout cela, VEGA se met à l’écoute des besoins de tous les acteurs de la vie culturelle et artistique liégeoise, et entend leur assurer une plus grande visibilité et une voix privilégiées dans le dialogue social et politique.

 

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Les commentaires postés par les internautes


Défendre les métiers de la création, sous leurs multiples facettes économiques, sociales et artistiques

Posté le 30 août 2012, par Anne Mathurin

Il serait effectivement utile de coordonner les acteurs culturels à Liège même si ça se fait déjà. Les subsides aux petits lieux ont été rabotés par le secteur ’communauté française’, ce qui pourrait les faire disparaître dans un avenir plus ou moins proches. Or ces petits lieux sont indispensables aux artistes bourrés de talent, reconnus mais faisant partie d’un secteur moins "commercial" (ex : le jazz ou la musique du monde en musique). Pour tourner mais aussi pour "essayer" de nouveaux projets. Je connais des musiciens qui ont pallié au manque de ces lieux en proposant des concerts à prix plancher aux particuliers. Mais je préfèrerais les écouter dans mon salon à l’occasion d’un événement organisé par la ville avec les asbl de mon quartier plutôt qu’à mon anniversaire...

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Posté le 2 septembre 2012, par Raphaël

N’est-il pas singulier pour un mouvement de gauche de citer Smart comme partenaire potentiel ? Loin de fustiger la dimension entrepreneuriale de cette société, je m’étonne que vous ne soyez pas interpelés par le fond idéologique que sous-tend le projet Smart. A savoir une dérégulation du marché du travail en affaiblissant le cadre légal qui protège les travailleurs afin d’accroitre leur flexibilité. Or au sein d’une société où la loi qui protège les travailleurs est affaiblie et dans laquelle il ne bénéficient pas de garanties de maintien de l’emploi, comment peuvent-ils défendre leurs droits ?

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Posté le 3 septembre 2012, par Cindy PAHAUT

Bonjour Raphaël !

C’est une critique de Smart à laquelle je ne m’attendais pas du tout. En quoi la politique de protection des artistes menée par Smart mène-t-elle à la dérégulation ? Il me semble, pour en être membre en tant qu’artiste, qu’au contraire cette asbl mène un véritable travail de conseil, et incite les travailleurs créatifs (et autres) à rester dans le cadre salarial, celui-ci étant assorti de règles, de droits mais aussi d’obligations auquel chacun est libre de se soumettre.

Cette asbl dans son mémorandum semble plus que jamais souligner le péril qu’encourent les artistes à sortir des protections sociales. Car il faut l’avouer, le statut de "petit indépendant" pour un artiste (statut vers lequel semblent vouloir nous pousser les décisions fédérales en matière de restrictions budgétaires et de coupes dans les aides et facilités aux artistes... à moins que la destination finale du travail artistique ne soit le travail au noir, et alors là, nous nagerions en plein cynisme) est un péril pour le monde des créateurs. Il n’est à mes yeux absolument ni viable, ni souhaitable dans une pratique qui devrait être mise à l’abri de l’esprit productiviste et marchand !

Je ne vois donc pas en quoi il est juste de parler d’incitation à la "dérégulation" en ce qui concerne Smart. Mais si vous pouviez étayer ce propos, je me tiens prête à écouter vos arguments, bien sûr !
*

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Posté le 5 septembre 2012, par Benoit Heylens

En tant qu’artiste, je dois avouer que nous n’avons pas énormément de structures vers qui nous tourner quand nous voulons vivre de notre art. Je ne vis pas de mon art. J’ai un travail que j’aime mais qui n’a strictement rien à voir avec ce pourquoi j’aimerai me lever tous les matins.

SMART est une des structures permettant de palier à ce manque de considération et à cette absence de statut pour l’artiste. Plus en avant, c’est toute la question du modèle de société dans lequel nous ne pouvons subsister sans roublardise. Le monde ne peut vivre sans art mais le monde n’accorde aucune valeur à ce qui n’est pas encore "marchand". La recherche prend le même chemin que l’Art : si ce n’est pas directement rentable ou si le sujet ne porte pas sur quelque chose de commercialisable par après, cela n’intéresse plus grand monde.

Je digresse mais là est le soucis : l’artiste se débrouille pour l’instant sans statut, sans protection, assimilé à un "indépendant" s’il veut rester dans les clous, ne pouvant assumer les charges qui lui sont réclamées, ses revenus étant extrêmement fluctuants et très souvent bien maigres. J’ai personnellement choisi de ne plus rester - pour l’instant - dans ce schéma, afin de m’acheter une maison et me nourrir sainement, voilà la triste réalité des "artistes". On touche ici à l’aspect social et statutaire de l’artiste, qui n’est pas une compétence communale mais qui serait extrêmement intéressante à aborder aux élection régionales ou aux fédérales : vous nous y aiderez en votant pour nous aux communales de 2012 :) !

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Posté le 6 septembre 2012, par regardeunpeusurtagauche

Une réponse ici ?...
Faut argumenter un peu :-)

Défendre les métiers de la création, sous leurs multiples facettes économiques, sociales et artistiques

Posté le 6 septembre 2012, par CPahaut

Surtout à nouveau cette question restée sans réponse ! En quoi la politique de protection des artistes menée par Smart mène-t-elle à la dérégulation ? On saurait un peu mieux sur quels arguments débattre ! ;) *

Défendre les métiers de la création, sous leurs multiples facettes économiques, sociales et artistiques

Posté le 10 septembre 2012, par smartbe

Le cadre légal régissant le statut social des artistes est clair et a été fixé en 2002 :
1/ les artistes sont assujettis au Régime général de la sécurité sociale, qu’ils soient engagés dans les liens d’un contrat de travail ou non, et cotisent donc à ce titre.
2/ l‘usage d’un contrat de travail ou d’un contrat d’engagement sans lien de subordination (dit encore « contrat 1er bis », instauré par la loi de 2002), ne dépend du choix ni du donneur d’ordre, ni de l’artiste ni de la structure intermédiaire, comme SMartBe, par exemple.

À côté des artistes prestant habituellement dans les liens d’un contrat de travail, il y avait une masse importante d’artistes pour lesquels ce cadre n’est pas pertinent (écrivains, plasticiens, etc.), et qui aujourd’hui au lieu de travailler en « black », sont inscrits justement dans un cadre légal et paient comme tout salarié des cotisations sociales (et donc les prélèvent sur les revenus de leurs ventes d’œuvre ou de prestation) …

On serait curieux comme d’autres que Raphael argumente son point de vue …

C’est quand même la première fois que l’on taxe une association de travailleurs (SMartBe, comme asbl, est composée de 45.000 associés, les artistes membres, qui la contrôle) d’une dérégulation du marché du travail, sans se poser une seule fois la question des responsabilités des entreprises (les opérateurs culturels et autres utilisateurs des métiers de la création) et du patronat … c’est le monde à l’envers !

Voir pour une réponse plus détaillée : http://blog.smartbe.be/smartbe-un-projet-commercial-et-neoliberal/

Défendre les métiers de la création, sous leurs multiples facettes économiques, sociales et artistiques

Posté le 20 mai 2014

L’art comme métier, ou l’art dans son métier ?

Je penses qu’il est plus profitable à une société de permettre à tout ses citoyens d’exprimer leur créativité et leurs talents artistique plutôt que de permettre à certains de ne vivre que de cela.

L’art est pour moi quelque chose qui doit se partager et non se vendre.

Le système actuel favorise quelques artistes célèbres au détriment de beaucoup d’autres qui ont au moins autant de talents. Il est plus rentable pour une grosse industrie artistique de payer grassement quelques artistes plutôt que correctement des centaines de millions (rentabilité des publicités, moyens techniques, effets de mode, ...).

Une sorte de plate-forme numérique où il serait possible de noter les créations des autres gratuitement permettrait un partage de la culture (pas toutes, il faudrait d’autres moyens pour ce qui ne peut-être représenté correctement de cette façon) qui pourrait ainsi devenir un droit.
De l’autre côté, une taxe équivalente à la taxe radio ou TV permettrait de fournir le matériel de création pour les artistes qui sont appréciés, avec une pondération en fonction des votes décroissantes (augmentation logarithmique, par exemple, un rapport *10 dans les votes correspond à un +3 dans les subsides), ce qui favoriserait les petites initiatives tout en permettant de plus grosses.
Évidemment, d’énormes productions à coups de milliards d’€ ne seraient peut-être plus réalistes. Mais vaut-il mieux 1 navet bourré d’effets spéciaux ou 10 000 bons films amateur ? (cela reste tout de même relatif, avec certains outils de création numériques libres comme Blender des groupements d’artistes arrivent à des résultats surprenants).

Cela permettrait aussi de pouvoir voir avant de juger. Actuellement, il faut acheter avant de savoir si on aime bien, et pas question de rapporter le CD/DVD/livre/BD/... au magasin parce que c’était pas terrible.

Il y a aussi une économie de moyens possible au niveau de certains supports, tout ce plastique pour les DVD et autres qui ne sert qu’à abriter temporairement un contenu qui pourrait être mutualisé.

Du même coup, on coupe court au partages illégaux. À quoi bon télécharger illégalement une œuvre si on peut y avoir accès gratuitement, en excellente qualité, de manière officielle, sans publicités et en soutenant son créateur ? La concurrence serait très rude pour les sites de partages illégaux.

Évidemment, ce sont justes des idées, rien n’est parfait, et il y a encore beaucoup à améliorer.

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Posté le 23 mai 2014, par Samir

Pour réagir au premier point "mieux identifier les insuffisances du secteur", voici mon avis de musicien :
en amont, il n’y a pas de assez de budget mis dans la culture !!!!!!!!!!!!!!!!!!! (et l’argent qui y est très très très mal réparti)

C’est déjà bien d’avoir les moyens de se professionnaliser mais après, si les gens qui veulent nous engager n’ont pas de sous (ou de moins en moins) et où toute prestation n’est pas envisageable sans un subside quelconque, l’art et l’artiste ne sauraient à terme que recourir à des solutions de secours.
Tout ce qui est mis en oeuvre comme aide à la création, à la possibilité de faire des contrats de travail et gérer une activité (smart ou autre),…, pallie à pas mal de chose et c’est déjà vraiment super, mais ça ne règle surement pas le fond du problème qui est la reconnaissance du métier d’artiste par la société !! (qui pour l’instant va tout à l’inverse) Quand je parle de reconnaissance, je ne parle pas que des droits sociaux et de l’aspect financier mais bien de l’utilité et de l’importance de ce métier dans une société. Je pense que une des solutions pourrait être que les centres culturels (sans vouloir critiquer car je sais que c’est dur partout) ou autres organisations culturelles jouent vraiment leur rôle (je dirai même leur mission), çad qu’ils soient vraiment acteurs social et culturel dans leur commune et invitent les gens à découvrir ce qu’est le métier d’artiste. Ca peut se faire en les invitant aux résidences musicales ou d’art plastique, en leur montrant les coulisses d’un spectacle, etc. Bref, que l’art ne reste pas quelque chose de flou ou d’assez obscur pour la plupart des gens qui bien sûr ne voient que le produit fini et ne connaissent pas les réalités du métier.
De façon très utopique surement, je pense que ça aurait un impact sur les mentalités et que peut-être dans plusieurs années, un budget plus juste ira dans la culture.
Sans argent, c’est tout le secteur culturel qui trinque, les organisateurs, les artistes, les asbl,…, et indirectement le public par rapport à la qualité qu’on peut lui proposer.
Voilà voilà.. :)

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