Ne laissons pas ArcelorMittal sacrifier sur l’autel du profit l’activité sidérurgique à Liège et en Europe

Le bénéfice net d’ArcelorMittal pour le deuxième trimestre 2012 atteint 959 millions de dollars, contre 1,535 milliard de dollars au deuxième trimestre 2011. La multinationale poursuit dès lors dans la même logique que celle qui a conduit à la fermeture de la phase à chaud : elle sacrifie (et sacrifiera jusqu’au dernier si l’on n’agit pas) des outils pourtant rentables mais qui ne produisent pas suffisamment de bénéfices pour délocaliser vers des pays à bas coût et les sites maritimes l’essentiel de sa production. Comme en témoignent les derniers échos, elle refuse même que naisse un autre projet, jouant la politique de la terre brûlée. C’est totalement inacceptable.

Face au nouveau drame annoncé pour le bassin liégeois, force est de constater que la politique fédérale et régionale des multiples cadeaux fiscaux est coûteuse et impuissante à stopper cette logique. Les intérêts notionnels ont permis à ArcelorMittal d’éluder plusieurs centaines de millions d’euros d’impôt. La Région a, quand à elle, offert plus de 40 millions d’euros de quotas de C02 lors de la relance du chaud.

Cette fermeture, c’est également l’échec d’une politique de désengagement des outils stratégiques de la part de la Région. Afin de rentrer de l’argent dans les caisses, elle a vendu et continue de vendre nombre de participations publiques dans des entreprises. Maintenir une participation importante dans Cockerill et ne pas accepter que l’outil se dilue dans une multinationale, c’eût été assurer bien plus fermement que cette activité structurante pour notre économie ne puisse être démantelée.

Parce que le métal — avec ses multiples déclinaisons — est un produit plus durable que les produits plastiques issus de la pétrochimie, parce que l’on aura encore besoin demain de cette matière première pour notre industrie, la coopérative VEGA est favorable au maintien d’une sidérurgie intégrée (chaud, froid, recherche et service commercialisation) à Liège. 
Mais pas à n’importe quelles conditions. Nous ne souhaitons pas que de l’argent public soit dépensé si la pérennité d’une activité sidérurgique n’est pas assurée. Elle est par ailleurs plus en phase avec les défis environnementaux.

Concrètement :

  • La coopérative VEGA demande que la région wallonne sorte enfin de ses déclarations d’impuissance et (re)prenne la main dans ce dossier. On a vu dans le dossier du sauvetage des banques que les autorités publiques pouvaient se montrer rapides et dégager des sommes importantes. La sidérurgie mérite la même attention.
  • Alors que le taux de chômage à Liège est déjà de 26%, la ville ne peut s’offrir le luxe de perdre encore plusieurs milliers d’emplois (2000 directs et au moins autant d’indirects). Face au refus actuel d’ArcelorMittal , nous pensons qu’il ne faut pas abandonner si vite la possibilité d’une reprise de l’outil par (ou avec) les pouvoirs publics (Région, Meusinvest, SRIW, villes et communes intéressées,...). Sans cela le chaud sera démantelé et le froid très difficilement viable.
  • Ainsi que le montre l’étude syndicale (« Sidérurgie : propositions syndicales alternatives à la fermeture », 25 juin 2012), l’expropriation (légale) est quasi impraticable. Un procès contre ArcelorMittal pour abus de droit devant des instances internationales serait possible mais cette solution prendrait trop de temps avec à la clef une condamnation financière relativement modeste. La seule monnaie d’échange substantielle dont dispose la Région, c’est le prix du désengagement pour ArcelorMittal et notamment la dépollution des sites (montant volontairement sous-évalué par la direction mais qui pourrait se chiffrer aux alentours de 800 millions d’euros selon les organisations syndicales). La Région ne doit pas céder. Elle doit proposer d’effacer l’ardoise en échange du rachat de l’ensemble de la chaîne pour l’euro symbolique par une société publique ou par une coopérative ouvrière fondée sur fonds publics.
  • Dans ce scénario, il faut avoir une relative certitude que la nouvelle entité sera viable (sans quoi on se retrouvera avec un carnage social et des centaines d’hectares à dépolluer sur fonds publics) c’est-à-dire qu’il faut pouvoir dire comment on finance des investissements importants. Ceux-ci concernent principalement la mise en conformité environnementale (entre 40 et 80 millions d’euros), des investissements dans les outils du froid (115 millions d’euros) et la construction d’une nouvelle centrale électrique (environ 100 millions d’euros). En comparaison avec les sommes pharaoniques données aux banques, ces investissements ne nous semblent pas démesurés d’autant qu’ils permettent de maintenir une activité structurante qui fait tourner de façon importante l’économie du bassin de Liège. À titre d’exemple, en 2011, ArcelorMittal Liège a payé pour 470 millions d’euros à des fournisseurs, sous-traitants en mécanique, en entretien des fours, en nettoyage ou encore en logistique.
  • Moyennant ces investissements, l’activité sidérurgique en région liégeoise nous semble viable à long terme. Desservi par le port de Rotterdam (où accostent des minéraliers de 350.000 tonnes), le site de Liège est alimenté très efficacement en minerais. Avec l’ère du pétrole (encore plus) cher qui s’annonce, les modèles économiques basés sur les gigas sites de production en front de mer et sur le transport de marchandises finies ou semi-finies sur des distances énormes risque bien de perdre en rentabilité au profit de plus petites structures le long d’axes fluviaux, plus proches des sites consommateurs de métal comme c’est le cas de Liège.
  • La politique de désengagement de géants comme ArcelorMittal touche toute l’Europe de l’Ouest. Afin de pouvoir plus efficacement contrer cette logique, la nécessité d’une union politique transfrontalière sur le sujet nous semble évidente. Elle est cependant totalement absente. Les autorités belges et wallonnes devraient discuter avec les autorités françaises, allemandes, luxembourgeoises, espagnoles pour définir une stratégie commune visant au maintien d’un outil sidérurgique important sur le continent. C’est un point sur lequel la Région pourrait agir assez concrètement.
 

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Les commentaires postés par les internautes


Ne laissons pas ArcelorMittal sacrifier sur l’autel du profit l’activité sidérurgique à Liège et en Europe

Posté le 26 septembre 2012, par François Th

Comment faire l’économie d’une réflexion qui porte également sur l’aval : comment garantit-on des débouchés à un acier local, dans l’hypothèse plausible où il serait plus cher qu’un acier importé d’un pays où les coûts de production sont moindres ? Par exemple, une clause de préférence nationale dans l’attribution d’un marché public serait-elle légale ?

Autre réflexion, sur l’amont : les structures d’achalandage en minerais ne semblent poser aucun problème à Liège, mais quid des minerais eux-mêmes ? Mittal est en train de racheter des mines à tour de bras, et il n’est pas garanti qu’en mettant son poids dans la balance il puisse juguler — via l’approvisionnement en minerais — toute velléité, forcément fragile, de remettre son projet hégémonique en cause. Or, nous disposons de bien peu d’alternatives ; nous n’en avons plus, du minerais, ou presque, en Belgique. Il faut donc sécuriser les approvisionnements, et cela en passera par des jeux d’alliances bien complexes...

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