Comment la possibilité de créer des Conseils de quartier a été torpillée (par tous les groupes du parlement wallon)

Souvenez-vous. Au printemps 2012, la Coopérative politique VEGA rassemble une centaine de personnes désireuses d’agir au niveau local et de questionner le fonctionnement des institutions. Le collectif se structure et élabore un programme politique en partant, notamment, du constat désormais évident de la perte de confiance du citoyen à l’égard des institutions démocratiques.

Dans ce contexte, VEGA a entamé une réflexion sur la manière de recréer des « prises » citoyennes sur la décision politique, qui parait lointaine et déconnectée du réelle. Le résultat politique de ce questionnement s’est traduit, entre autres, par le souhait d’inscrire, dans le programme des élections communales de 2012, la proposition de créer des conseils de quartier élus (CQ).

La constitution de ces CQ s’appuyait, juridiquement, sur le Code wallon de la démocratie locale et de la décentralisation (CDLD), qui prévoyait la possibilité de créer des instances de décisions intracommunales pour les villes de plus de 100.000 habitants. Ce dispositif était souple, simple à mettre en oeuvre et offrait des garanties démocratiques, tels que l’élection des conseillers de quartier. Le CDLD prévoyait la possibilité de créer les CQ mais laissait la liberté aux conseils communaux de décider du fonctionnement, des compétences et de la délimitation géographique de chaque conseil de quartier.

VEGA a poursuivi son travail de réflexion jusqu’à proposer, en décembre 2017, un projet concret de répartition de la population par quartier afin de constituer douze CQ et d’élire, dès octobre 2018, les premiers conseillers de quartier.

En janvier 2018, VEGA a organisé une matinée de débat à ce sujet. La Coopérative politique VEGA a, sur cette base, complété sa proposition et déposé ensuite un texte de délibération au conseil communal de Liège demandant la création de ces douze CQ.

VEGA a soutenu, de manière générale, l’attribution de trois prérogatives aux CQ :
 la délégation de décisions pour les questions très locales ;
 l’inscription de points à l’ordre du jour du conseil communal ;
 la possibilité de débattre de toute question touchant à l’intérêt de leur quartier, ce qui aurait pour effet (sauf urgence motivée) de reporter la décision du Conseil communal d’un mois et de provoquer une séance de concertation.

Le règlement d’ordre intérieur du conseil communal prévoit la procédure à suivre pour débattre, puis voter une délibération. À cet égard, le groupe représenté au conseil communal inscrit régulièrement le point à l’ordre du jour et présente sa proposition en séance. Le texte est, sauf urgence, renvoyé en commission pour revenir en séance plénière une fois débattue en commission.

VEGA a inscrit le point régulièrement à l’ordre du jour du Conseil communal dès janvier. Les groupes politiques ont accueilli cette proposition assez timidement. Nous retiendrons ainsi la franche opposition des groupes MR et CDH. Les groupes PS et Ecolo ont marqué un intérêt, mais sans grand enthousiasme. Le PTB n’a, lors de ce débat, pas pris de position tranchée. Le Conseil communal s’est prononcé, à l’issue de la présentation du texte, en faveur de la constitution d’un groupe de travail dont la mission était l’examen de l’opportunité de créer les conseils de quartier et de proposer les contours concrets du projet.

Les débats au sein du groupe de travail étaient difficiles mais constructifs. Le PS montrait, de plus en plus, un intérêt mais hésitait sur le découpage des quartiers. Ecolo s’est déclaré en faveur du projet au travers sa cheffe de groupe, Caroline Saal, qui s’est exprimée en ce sens lors de son interview face à Thomas Gadisseux (La première) retransmis sur les ondes le 28 mai 2018.

L’évolution des positions du PS et de Ecolo aurait permis de dégager une majorité au sein du conseil communal, certes courte, mais une majorité tout de même de 28 voix sur 49 (PS : 21 ; Ecolo : 6 et VEGA : 1). Les CQ à Liège passaient donc d’une simple idée à un projet atteignable. Le texte était prêt à être voté en commission mais fut finalement déclaré sans objet : le Parlement de Wallonie venait d’abroger à l’unanimité les dispositions permettant la création de ces CQ.

Revenons un instant sur le parcours législatif du décret du 29 mars 2018, modifiant le Code de la démocratie locale et de la décentralisation en vue de renforcer la gouvernance et la transparence dans l’exécution des mandats publics au sein des structures locales et supra-locales et de leurs filiales.

L’abrogation des CQ est prévue, initialement, à l’article 13 du projet de décret |1|. Cette disposition abrogatoire était motivée comme suit :

« La disposition abroge les organes territoriaux intracommunaux, non utilisés en Région wallonne. Ces organes entrent en effet en contradiction avec la Déclaration de politique régionale qui entend promouvoir la supracommunalité et la fusion des communes. » |2|

La motivation ne convainc pas. Les conseils de quartier n’entrent pas en contradiction, selon nous, avec la volonté de promouvoir la supracommunalité. À chaque sujet politique correspond une échelle institutionnelle pertinente. Beaucoup de dossiers ne sont même pas évoqués au conseil communal faute de temps, voire d’intérêt. Il s’agissait donc d’encourager le débat, d’approfondir les questions très locales et de permettre aux citoyens de s’impliquer sur des sujets qu’ils peuvent appréhender facilement.

À côté du fond, on s’étonne qu’aucun groupe politique représenté en commission des pouvoirs locaux (PS, MR, CDH et Ecolo) n’ai commenté ni questionné l’abrogation des dispositions sur les CQ, alors qu’à Liège, les mêmes partis travaillaient sur leur concrétisation. À l’issue de débats éclairs (seulement 20 jours pour adopter le décret précité), l’article abrogeant les dispositions sur les CQ a finalement été voté à l’unanimité des groupes représentés, tant en commission qu’en séance plénière |3|, privant de facto le Conseil communal de Liège du débat entamé sur les Conseils de quartier.

Ce dossier a un gout amer pour VEGA. Nous dénonçons l’inconséquence des groupes politiques, qui dans une institution ou publiquement soutiennent une proposition et, ailleurs, la sabordent. Mais est-ce réellement de l’inconséquence ? Une part de doute subsistera sur la motivation exacte et soudaine d’abroger les articles L1411-1 à L1451-3 du CDLD. Ce dossier restera, dans notre bilan, celui du débat confisqué. Une bonne leçon pour l’avenir ...

Salvador Alonso Merino
Secrétaire politique de VEGA

 

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