Le Conseil communal de la Ville de Liège votera ce mercredi soir, après en avoir une nouvelle fois débattu la veille, le nouvel appel d’offre pour le marché de « mobilier urbain ». Un nouvel appel d’offres car le premier — voté l’année dernière — n’a donné lieu à aucune offre recevable. À l’époque, le bourgmestre avait jugé que les remarques formulées par certains groupes de l’opposition et notamment par VEGA étaient intéressantes et méritaient d’être explorées, mais que, avait-il dit, le temps manquait pour ce faire. Un an plus tard, force est de constater que le délai n’a pas été mis à profit pour faire évoluer le concept et que nous sommes toujours dans un marché dessiné pour les multinationales.
Avant toute chose, il convient de souligner que la publicité, loin de représenter seulement une recette, a aussi un coût. Un coût sur la santé publique — et donc sur la sécurité sociale — en promouvant la consommation de denrées alimentaires souvent nuisibles. Un coût sur l’espace public et sur la sécurité routière, en encombrant nos trottoirs d’enseignes lumineuses qui prennent une place inutile, contraignent parfois les déplacements des piétons, détournant l’attention des automobilistes. Un coût sur l’économie et l’emploi en faisant la part belle aux productions des multinationales, seules à même de payer de coûteuses campagnes publicitaires sur ces supports, plutôt qu’aux entreprises de plus petite taille. Un coût, par conséquent, macroéconomique, en impactant négativement la balance des payements. Entre autres choses. La publicité est l’emblème d’un modèle de société dont des millions de personnes posent globalement le constat d’échec. Il convient de ne pas l’oublier.
Mais même au-delà de ce débat de société, même en admettant que la Ville de Liège n’a pas le choix et doit se soumettre au diktat publicitaire — ce qui reste pour nous à démontrer — nous pensons qu’il est possible de faire autrement. Nous pensons que le modèle retenu — un marché intégré, réunissant en fait trois missions, trois métiers distincts — n’est pas le seul possible.
Pour VEGA, la présence de trois métiers différents justifierait donc de passer trois marchés distincts, notamment dans le but d’élargir la concurrence et de rendre ces marchés accessibles aux acteurs économiques locaux ou régionaux.
La signalétique urbaine « intelligente ». Si nous nous réjouissons qu’un système de jalonnement dynamique du stationnement soit enfin à l’ordre du jour, l’enjeu de la signalétique urbaine est loin de se limiter à ce seul aspect : il y a par exemple aussi l’information sur le niveau de la pollution de l’air. Et nous ne sommes pas convaincus que les multinationales de la publicité sont les entreprises qui proposent les réponses les plus intéressantes en la matière. Il existe par contre des entreprises qui se sont spécialisées dans ce domaine et qui peuvent offre des solutions beaucoup plus innovantes. De surcroît, la technologie évolue très rapidement : la durée du marché sur ce volet devrait donc être plus courte que les 15 ans envisagés.
La régie publicitaire. Contrairement à ce que soutient le Collège, distinguer les marchés n’obligerait pas la Ville à créer sa propre régie publicitaire. Diverses régies existent, y compris en Belgique, qui pourraient être intéressées de prendre en charge la gestion de l’affichage publicitaire à Liège, et seraient probablement beaucoup plus accessibles aux entreprises locales ou régionales que ne le sont les multinationales de la publicité. Là encore, l’impact économique est réel : plus d’emplois locaux ou nationaux directs (pour la gestion de la régie) et plus d’emplois locaux dans les entreprises locales (qui auront plus de chances de se faire connaître). Et ici aussi, la distinction des marchés permettrait de remettre plus régulièrement les entreprises en concurrence : tous les 2, 3 ou 5 ans plutôt que tous les 15 ans — ce qui ne peut qu’être profitable aux finances communales.
Le mobilier urbain proprement dit. S’il y a bien un domaine de compétence où la Ville devrait penser local, c’est celui de la métallurgie, des constructions mécaniques ou du design industriel. Il semble évident qu’un marché qui leur serait accessible intéresserait des entreprises liégeoises ou wallonnes, qui pourraient, à n’en pas douter, proposer des solutions à la fois mieux adaptées aux besoins locaux, plus originales et probablement moins coûteuses (notamment en entretien) que les modèles standards d’Abribus® des catalogues proposés par les multinationales du secteur.
On nous répond que cette option — pour « séduisante » qu’elle soit — est irréaliste financièrement, que cela ne rapportera pas autant qu’un marché unique avec JC Decaux, ClearChannel ou un improbable acteur tiers du même tonneau. La vérité est que l’on n’en sait rien, parce que personne, dans les services de la Ville, n’a sérieusement examiné cette possibilité — et parce que personne, dans l’administration ou dans le Collège, ne connait le détail des coûts et des recettes de l’opérateur actuel, qui apparaît comme une boîte noire.
Ajoutons encore que la répartition des revenus choisie — 50 % des recettes pendant les 5 premières années sur un marché de quinze ans — indique le peu de cas que fait de Collège de ceux qui devront gérer la Ville dans l’avenir. Cette préemption des recettes au détriment de la prochaine génération nous semble illégitime et dangereuse.
Nous appelons donc à un sursaut. Si réellement, la « transition » et la « résilience » sont les nouveaux mots d’ordre de la politique du Collège — comme le répète désormais régulièrement le bourgmestre —, il est temps de passer de la parole aux actes, en imaginant un autre modèle que celui qu’on s’apprête à répéter.