Une visite de l’usine de traitement de l’eau de la CILE, à Ans

Le samedi 24 juin dernier, nous étions une quinzaine de membres et sympathisant.e.s de la Coopérative politique VEGA, accompagnés de nos enfants, pour visiter l’usine de traitement des eaux d’Ans, l’occasion de mieux connaître le rôle et les missions de la Compagnie Intercommunale Liégeoise des Eaux (CILE) et d’échanger avec ses responsables.

Le soleil matinal était au rendez-vous, annonçant une journée particulièrement chaude même pour la période estivale. Raison de plus d’aborder des sujets qui nous tiennent à cœur : la robustesse du réseau de distribution d’eau face aux crises, notamment la crise écologique, ainsi que l’impact des polluants chimiques tels que les PFAS, un sujet particulièrement sensible, sur lesquels la Coopérative politique VEGA a interpellé en novembre 2022 avant d’obtenir, en avril 2023, le vote d’une délibération du Conseil Communal prévoyant une série de mesures pour lutter contre les PFAS dans l’environnement, et plus particulièrement dans l’eau potable.

À notre arrivée à la station de traitement de Ans-Waroux, en périphérie de Liège, j’ai été agréablement surpris. Nous étions face à un espace vert bien entretenu, à une prairie laissé en fauchage tardif et les bâtiments avaient réussi à s’intégrer harmonieusement à ce cadre. Cette découverte m’a fait réaliser que je connaissais peu de chose de la CILE, mis à part son nom figurant sur mes factures. Alors, qu’est-ce que la CILE exactement ?

Pour répondre à cette question, nous avons été accueilli par Monsieur Jean-Michel Compère et Monsieur Marc Gerlache, membres du conseil de Direction de la CILE, responsables respectivement de la gestion des ressources en eau et de l’usine d’Ans. Dans une salle de conférence à l’intérieur de la station de traitement, nous avons visionné une vidéo de présentation détaillant les missions de la CILE. Il s’agit d’une structure industrielle publique qui assure la distribution d’eau dans 24 communes de la province de Liège |1|. En plus de cette fonction essentielle, la CILE mène des recherches sur l’eau, exploite des stations de potabilisation, gère de nombreux puits, galeries et aqueducs, et étudie les éventuelles pollutions souterraines. Elle collabore également avec d’autres acteurs afin d’anticiper les défis liés aux changements climatiques, notamment le réchauffement planétaire, les sécheresses et les canicules de plus en plus fréquentes. Par exemple, elle participe actuellement au projet MARWAL développé par l’ULiège. La CILE est donc bien plus qu’un simple distributeur d’eau.

La visite s’est poursuivie avec la découverte des différentes infrastructures relatives notamment au traitement des nitrates et des résidus issus des produits phytosanitaires, liés aux pratiques agricoles passées et à la pollution des sols et des nappes phréatiques. Les enfants ont également été mis à l’honneur en visionnant des vidéos de présentation adaptées expliquant les dispositifs techniques de traitement et les innovations en matière de recyclage. Par exemple, nous avons appris que l’utilisation et le traitement des eaux des nappes aquifères étaient bien plus écologiques et économiques que l’utilisation des eaux de surface.

Après ces présentations techniques, nous avons eu l’occasion d’échanger et de débattre sur des questions plus « politiques ». Parmi les nombreux sujets abordés, certains points ont retenu mon attention :

1) Les transformations climatiques ont engendré des périodes météorologiques contrastées, avec des étés chauds où l’eau se raréfie, entraînant une baisse des eaux souterraines, suivis de périodes de « mousson » où les eaux ruissellent et alimentent les nappes aquifères. Cependant, malgré la présence d’eau dans la région liégeoise, les niveaux d’eau souterraine baissent de manière continue. La consommation d’eau augmente pendant les périodes de chaleur, que ce soit pour l’agriculture, l’industrie ou les particuliers. À cela s’ajoute la situation préoccupante en Flandre, qui dépend en partie de l’eau wallonne lors de longues périodes sans pluie. Il est donc essentiel de maintenir une vigilance à long terme sur la gestion publique de l’eau, sa répartition et ses usages, en particulier en ce qui concerne les eaux souterraines, qui nécessitent moins de traitement et donc moins de coûts.

2) La CILE, en tant qu’intercommunale industrielle et publique |2|, présente des avantages majeurs qui la distinguent d’une logique hyper-décentralisée, notamment lorsque celle-ci relève d’initiatives privées. Tout d’abord, sa dimension industrielle facilite la mise en réseau avec d’autres infrastructures locales, favorise la centralisation des informations pour une gestion plus efficace, et permet le développement de moyens de production performants. En parallèle, son caractère public garantit l’accès équitable aux informations pour tous les citoyens et citoyennes, encourage leur participation démocratique dans les décisions, et assure un contrôle des prix pour maintenir des coûts de consommation abordables. Contrairement à une approche hyper-décentralisée, où les acteurs poursuivent souvent des intérêts concurrents, la collaboration entre entités publiques renforce la coordination des ressources énergétiques et l’adoption de politiques concertées répondant aux besoins de la population de manière globale. De même, la transparence dans la gouvernance et l’accès à l’information permettent aux citoyens de comprendre et d’influencer les décisions. Enfin, le contrôle des prix exercé par la structure publique protège les consommateurs contre des hausses non régulées et des pratiques monopolistiques. Ainsi, la combinaison de l’aspect industriel et public de la CILE garantit une meilleure protection des intérêts du public, favorise la durabilité environnementale et répond aux exigences démocratiques dans la gestion des ressources énergétiques.

3) Dans ses missions, la CILE mobilise des laboratoires (les siens, ceux de la SWDE ou encore des laboratoires privés). Étant donné l’importance des ressources en eau en Wallonie et de son importance dans les années à venir, il est essentiel de développer la recherche et la participation des universités dans ce domaine. De plus, concernant la question des PFAS, il est essentiel de noter qu’il existe une vaste gamme de polluants de ce type, et leurs effets, en particulier lorsqu’ils interagissent dans la nature, sont encore peu compris voire méconnus. Bien que la présence des PFAS semble être limitée et localisée à certains endroits, des études vont bientôt avoir lieu sur un nombre restreint de ces « polluants éternels ». Développer la recherche va ouvrir également de nouvelles perspectives pour la recherche sur la dépollution des sols, sous-sols et eaux. Les études dans ce domaine pourraient contribuer à mieux appréhender et gérer cette problématique environnementale.

4) La question de la « dureté » de l’eau de distribution a aussi été abordée, sachant que de plus en plus de citoyens installent des systèmes d’adoucissement d’eau, afin d’éviter l’accumulation de dépôts calcaires dans leurs électroménagers, tuyaux et autres robinets. Cela est-il souhaitable ? Si oui, ne faudrait-il pas organiser cet adoucissement à une échelle collective ? Après avoir rappelé que la présence de calcaire dans l’eau est plutôt une bonne chose en matière de santé publique (et certainement pas un problème), nos interlocuteurs nous ont appris que l’usine d’Ans a été construite en prévoyant la possibilité d’installer une unité d’adoucissement. Mais celle-ci n’a pas (encore) été installée, notamment parce que cela générerait des déchets (une douzaine de camions par semaine) et augmenterait les coûts. L’importance de bien choisir et bien entretenir son système d’adoucissement a été soulignée. En effet, les systèmes au CO2 acidifient légèrement l’eau, ce qui peut dégrader les tuyauteries métalliques. Quant aux systèmes utilisant du sel, ils rendent l’eau également plus corrosive vis-à-vis des éléments métalliques et, donc, les détériorent. De plus, s’ils sont mal entretenus, ils peuvent générer des risques pour la santé.

5) Enfin, la CILE est exclusivement financée par la facture de consommation d’eau (le « coût vérité distribution » ou CVD). Face à ses missions de plus en plus étendues, la question d’un subventionnement structurel mérite d’être posée. Il pourrait également être envisagé d’augmenter le nombre de paliers de consommation afin de favoriser une tarification plus équitable et de limiter le gaspillage d’eau.

En somme, cette visite à la CILE nous a permis de mieux comprendre l’importance de cette structure et les défis auxquels elle est confrontée. Ces enjeux sont autant de questions politiques essentielles à aborder pour garantir une gestion responsable et durable de nos indispensables ressources en eau.

Pour la Coopérative politique VEGA,

Loïc Decamp

|1| Il convient de noter que les 24 communes desservies par l’intercommunale ne correspondent pas exactement à celles de l’arrondissement mentionné dans le texte. Cette asymétrie géographique des intercommunales constitue un obstacle dans la mise en place d’un lieu de contrôle démocratique à l’échelle métropolitaine. L’assainissement de l’eau relève d’une autre intercommunale, l’Agence Intercommunale de Développement (AIDE), laquelle rassemble les 84 communes de Liège, et non des 24 communes mentionnées précédemment.

|2| Voir point 4 de la note de la coopérative « Nos priorités communales pour 2024 ».

 

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