VEGA propose de réunir huit communes en un « Grand Liège »

Quelle supracommunalité pour l’agglomération liégeoise ?

Conférence de presse, mercredi 2 avril 2014.

Orateurs : Pierre Eyben et François Schreuer.

Introduction

  • La supracommunalité est — malheureusement — un véritable serpent de mer du débat public liégeois. On trouve cette thématique dans les discours depuis un nombre considérable d’années (au moins depuis la loi Chevènement de 1999, qui a unifié et systématisé les dispositifs supracommunaux français) sans qu’aucune avancée notable dans ce domaine n’ait été enregistrée à notre connaissance.
  • La volonté affichée de constituer une communauté urbaine à Liège (voire de généraliser le dispositif partout en Wallonie) se heurte cependant à un obstacle juridique de taille : pour faire autre chose qu’un gadget (telles ces asbl réunissant les bourgmestres à titre personnel dont il est beaucoup question ces derniers temps), une réforme de la Constitution est nécessaire. Et point n’est besoin de rappeler que celle-ci est loin d’être acquise vu le contexte fédéral. Faute de pouvoir avancer concrètement, on se perd en discours.
  • Cette situation est d’autant plus préjudiciable que la Région wallonne ne dispose pas, à l’heure actuelle, d’une politique de la Ville digne de ce nom — et, même si certaines publications sont à relever (CPDT, Institut Destrée,...) qui tentent de baliser le terrain, la régionalisation, désormais imminente, de la politique fédérale des grandes villes en Wallonie va s’opérer dans une impréparation inquiétante.
  • Le nouveau SDER a, entre autres choses, montré que la concurrence sous-régionale est plus forte que jamais en Wallonie. C’est un véritable danger pour les grandes villes, et pour Liège en particulier. Dans cette optique, force est de constater que la manière très différente dont s’est opérée la fusion des communes à Liège et dans le Hainaut, en laissant des entités beaucoup plus morcelées en Province de Liège qu’ailleurs, porte aujourd’hui préjudice aux villes de la Province de Liège.

La supracommunalité, pourquoi

La pertinence et la nécessité de mettre en oeuvre des outils supracommunaux est à nos yeux évidente. Nous voyons principalement trois raisons à cela :

  • Mieux gérer des outils publics à une échelle pertinente (développement territorial, commerce, logement social, transports, distribution et assainissement des eaux, tourisme,...). Sur de nombreuses matières, les communes sont trop petites et la Région est trop éloignée. Une échelle située entre ville morphologique et le « bassin de vie » est l’échelle pertinente d’un certain nombre de politiques.
  • Encadrer les intercommunales, dont le fonctionnement actuel tend à la gestionnarisation — c’est-à-dire à la perte de la possibilité d’orienter leur fonctionnement sur base d’objectifs d’intérêt public — d’un certain nombre de grands enjeux. Permettre le débat démocratique sur cette gestion (donc instance élue, pluraliste, avec fonctionnement transparent, outils de participation citoyenne,....). Identifier un lieu où se discute un ensemble cohérent de politiques, là où la tendance actuelle est à la géométrie variable (des ensembles différents de communes sont constitués pour gérer des matières différentes, ce qui atomise la possibilité d’un débat transversal).
  • Défendre le fait urbain — et particulièrement la réalité urbaine liégeoise dans un contexte institutionnel et sociologique qui lui est structurellement défavorable.

Pourquoi l’asbl « Liège Europe Métropole » n’est pas une réponse satisfaisante

Après la « conférence des bourgmestres » asbl, devenue « Liège Métropole », les bourgmestres de la Province viennent d’annoncer la création d’une coupole, « Liège Europe Métropole », réunissant les conférences des bourgmestres des différents arrondissements de la Province.

Ce dispositif ne nous semble pas bon. Pour plusieurs raisons :

  • Parce que l’échelle retenue est uniquement basé sur le critère abstrait (et qui ne trompe malheureusement personne) du million d’habitants et ne correspond pas à une échelle pertinente pour la plupart des matières (et s’oppose à la logique des « bassins de vie » défendue par ailleurs) ;
  • Parce que la question démocratique en est complètement absente (logique des « hommes forts », choix de fait d’une structure de droit privé, délégation au... 4e degré, absence de toute publicité des débats, y compris pour les conseils communaux) ;
  • Parce qu’il existe un Conseil provincial à la même échelle, qui ne devrait pas être court-circuité. Si on estime que la Province est l’échelle pertinente, il n’y a pas de raison de mettre en place des structures supplémentaires.
  • Parce qu’il est permis de se demander si la loi est respectée. De deux choses l’une : soit il s’agit d’une asbl de droit public, et les articles 1234 et suivants du CDLD imposent une délibération des conseils communaux préalable aux principaux actes (y compris s’il s’agit de remanier l’asbl « coordination des pouvoirs locaux » déjà existante). Soit il s’agit d’une asbl purement privée, dans laquelle les bourgmestres siégeraient à titre purement personnel (ce à quoi il serait très difficile de croire) et l’attribution de moyens à cette asbl (ne serait-ce que la mise à disposition de personnel communal, qui est avérée), demande le respect de la législation sur les marchés publics — et au minimum une délibération en Conseil.

Bref, on peut entendre qu’il s’agit d’un outil qui pourrait être pertinent pour promouvoir une proposition au niveau wallon. En aucun cas, cette asbl ne peut par contre être envisagée comme outil opérationnel de politiques publiques.

Quel territoire ? Quelle échelle ?

L’enjeu principal, selon nous, est de mettre la réalité urbaine au centre des préoccupations.

Dans le paysage wallon, parmi les « grandes villes », Liège a un des plus petits territoires, tandis que bon nombre de ses communes périphériques dépassent en densité des villes comme Namur, Mons ou Tournai.

Ville Superficie Population Densité
Tournai 213,75 69751 326
Namur 175,69 110691 630
Mons 146,53 93366 637
Charleroi 102,08 204670 2005
Liège 69,39 197013 2839
La Louvière 64,24 78895 1228
Verviers 33,07 56594 1711

Liège est donc logiquement — et de loin — la grande ville la plus dense de Wallonie. Dans ses limites géographiques actuelles, elle pourrait d’ailleurs repasser d’ici peu au-dessus du seuil de 3000 habitants au kilomètre carré (soit 208 000 habitants).

Ce que nous proposons

À moyen terme, VEGA plaide — comme d’autres formations politiques — pour la mise en place de Communautés urbaines et de Communautés de communes — avec élection directe ! — couvrant l’ensemble du territoire et destinées à remplacer progressivement les provinces. Ces institutions supracommunales devront disposer de ressources propres leur permettant de mener à bien des politiques propres et ambitieuses (l’exemple du « versement transport » français mérite à cet égard d’être, au minimum, étudié en détails). Nous savons cependant que les obstacles institutionnels sont importants (une réforme de la Constitution est nécessaire) tandis que les urgences sont fortes.

On ne peut donc se limiter à définir cet objectif très large et très lointain. Nous proposons aussi :

1. De porter des projets, ici et maintenant, à l’échelle supracommunale, en impliquant les Conseils communaux pour faire avancer certains dossiers clés pour l’avenir de l’agglomération liégeoise. Redéploiement du logement social. REL. Transurbaine. Accueil touristique. Nouvelle FIL.

2. De repolitiser les intercommunales. Au sens de refaire des matières qu’elles traitent des questions politiques. Ce qui passe notamment par la publicité des débats dans les instances de décision des intercommunales.

3. D’organiser une nouvelle fusion des communes, réunissant la Ville de Liège avec les communes de la première couronne (qui sont aussi celles dont la densité dépasse le seuil de 800 habitants au km2), pour atteindre une entité communale de 400.000 habitants.

Superficie Population Densité
Grand Liège 205,02 400 835 1955
Liège 69,39 197 013 2839
Saint-Nicolas 6,84 23 552 3443
Seraing 35,34 63 968 1810
Ans 23,35 27 813 1191
Herstal 23,54 39 242 1667
Beyne-Heusay 7,32 12 017 1642
Fléron 13,72 16 227 1183
Chaudfontaine 25,52 21 003 823

On note que la superficie de cette nouvelle Ville de Liège resterait inférieure à celle de la Ville de Tournai, par exemple. Sa densité serait quant à elle quasiment équivalente à celle de la Ville de Charleroi.

Pourquoi cette fusion ?

  • Atteindre une taille critique permettant de financer des projets d’envergure. Mieux répartir le financement d’un certain nombre d’infrastructures et de services qui bénéficient à tous mais sont aujourd’hui assumés de façon plus importante par la Ville de Liège.
  • Imposer au niveau wallon la réalité urbaine de Liège, qui est la principale ville de Wallonie mais est victime des habituelles politiques de saupoudrage des moyens ;
  • Faire en sorte que la Ville-centre puisse, par sa taille suffisante, jouer un rôle de moteur des futurs organes de supracommunalité (quels qu’ils soient).

Nous notons que le même raisonnement pourrait être tenu pour la Ville de Verviers qui, en fusionnant avec seulement trois communes limitrophes, s’approcherait du seuil de 100 000 habitants.

Superficie Population Densité
Grand Verviers 96,5 87 460 906
Dison 14,01 15 331 1094
Pepinster 24,79 9 735 393
Verviers 33,07 56 594 1711
Limbourg 24,63 5 800 235

4. De mettre en place les Conseils de district (Conseils de quartier élus) que nous défendions déjà aux élections communales, au niveau infra-communal, avec des compétences locales. Parce qu’il manque de pouvoir d’un niveau très proche du citoyen, permettant de traiter de façon satisfaisante de nombreux petits problèmes de la vie quotidienne.

 

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Les commentaires postés par les internautes


VEGA propose de réunir huit communes en un « Grand Liège »

Posté le 2 avril 2014, par Jacques CHEVALIER

Et pourquoi pas Visé ? Oublie-t-on que Cheratte colle à Wandre tant en haut qu’en bas ?

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VEGA propose de réunir huit communes en un « Grand Liège »

Posté le 8 juillet 2014, par yannick brus

Et Grâce-Hollogne dans la perspective du Grand Liège ?

Répondre à ce message

VEGA propose de réunir huit communes en un « Grand Liège »

Posté le 13 mai 2015, par Thomas K

C’est vrai, je ne comprends pas pourquoi avoir laissé Grâce Hollogne sur le côté, son intégration me semble (de mon point de vue mais sans analyse profonde) pourtant plus évidente que Chaudfontaine.

Qu’en pense Vega ? Pourquoi ne pas l’avoir repris ?

VEGA propose de réunir huit communes en un « Grand Liège »

Posté le 25 mai 2015, par François Schreuer

Bonjour,

Ce texte ne prétend bien sûr pas être une feuille de route. C’est une idée exposée à grands traits et lancée sur le tapis en espérant qu’elle donnera matière à discussions.

Le raisonnement que nous avons tenu visait à constituer un ensemble à la fois suffisamment grand pour disposer des moyens de mener des politiques à l’échelle de la ville vécue, mais suffisamment petit pour conserver un caractère urbain. D’où le choix du critère de la densité, qui nous semblait adéquat — et la tape de 400.000 habitants, conforme à la réalité urbaine de Liège.

La commune de Grâce-Hollogne présente un profil très hétérogène, entre un noyau urbain très largement urbanisé et un territoire franchement rural (jusqu’à Horion-Hozémont), séparés par la zone aéroportuaire. Mais pourquoi ne pas l’intégrer, oui...

François

VEGA propose de réunir huit communes en un « Grand Liège »

Posté le 16 septembre 2015, par Thomas K

Je me faisais la même réflexion d’hétérogénéité pour Chaudfontaine justement : entre Embourg (encore très rattaché à Liège) et Beaufays il y a un monde... Faire une communauté d’agglomération liégeoise sans Embourg semble improbable, mais sans Beaufays semble plus logique. Le même raisonnement peut être tenu pour Grâce Hollogne. Faut-il alors "diviser" ces communes et rattacher leur composante rurale à d’autres communes plus rurales ? Comment les communauté urbaines françaises ont-elles abordé ce type de problème (pour autant que s’en soit réellement un) ?