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Un abonnement TEC pour 1 EUR par mois, c’est possible !

11 septembre 2012, 11:53, par Bernard

Bonjour Olivier,

Quelques réponses à tes angoisses.

La proposition de Vega reposerait sur des propositions contradictoires, en particulier quant à son équilibre financier ?

Non L’augmentation du nombre d’abonnés augmenterait bel et bien le chiffre d’affaire du TEC. Cette augmentation serait supportée en partie par les nouveaux usagers au tarif préférentiel, en partie par la Ville, via une convention négociée portant sur un achat groupé d’abonnements, et en partie par la Région via la dotation des TEC qui devra effectivement être augmentée pour tenir compte du surcroît important de fréquentation. La dotation actuelle tient déjà aujourd’hui compte, entre autres facteurs, du nombre d’usagers. Une forte augmentation de l’usage des transports en commun justifie donc assez logiquement une intervention majorée de la Région. Celle-ci est nécessaire à la fois pour couvrir le déficit d’exploitation et pour financer les investissements nécessaires. Après tout, dans le langage méritocratique du moment, la Ville de Liège serait désormais un « bon élève » si elle augmentait considérablement la part modale des transports en commun ainsi que les conditions de leur exploitation. Il ne serait donc pas illogique qu’elle soit « récompensée » pour sa peine.

Il est donc parfaitement exact d’affirmer qu’il y aura certes des dépenses supplémentaires mais également des recettes supplémentaires.

La mesure est impayable et ferait face à un veto de la Région ?

La mesure, si elle a le succès escompté, aurait sans doute pour conséquence de secouer un peu les habitudes de la Région. Qui s’en plaindra si ça permet de se donner enfin des objectifs un tant soit peu ambitieux, à la mesure des problèmes ? Le défaitisme n’est pas une politique. Oui il y a moyen de faire mieux avec l’argent public et de mettre en œuvre des nouveaux leviers d’action. Et non, ce n’est pas forcément farfelu.

Le péage urbain, perçu sous forme de taxation des emplacements de parking « commerciaux » a pour vocation de financer la part de la ville dans la mesure. La Ville de Liège dispose selon nous d’un levier potentiel d’action qu’elle pourrait mettre en œuvre sans se ruiner pour autant. De plus en plus de villes y recourent et les chiffres avancés sont dans la fourchette basse de ce qui se pratique ailleurs. Ta comparaison avec la taxe bruxelloise n’est pas appropriée. Celle-ci n’est pas (encore) un péage urbain

Quant à la part de la Région, l’idée est bien de la pousser à rééquilibrer ses budgets dans un sens plus favorable aux transports en commun et à la mobilité douce, et dans un sens plus favorable aux (grandes) villes et à ceux qui, par choix ou par contrainte, y résident. Vega assume je pense l’arbitrage politique que cela représente. Il n’y a aucune raison de considérer le statu quo (pro-automobile et pro-banlieues) comme une base légitime de négociation. Si on veut ramener des gens en ville et offrir une qualité de vie aux citadins, riches et pauvres, il faut s’en donner les moyens. Vega fait le pari que la politique de mobilité est un levier efficace, économe et juste socialement d’y parvenir.

Une augmentation de la part modale des transports en commun n’est de plus pas une mauvaise affaire pour la Région :

L’augmentation de la fréquentation implique mécaniquement une augmentation du taux de couverture actuel des coûts d’exploitation et donc une diminution de la part supportée par la Région par passager transporté. Tous les bus ne sont pas remplis actuellement à toutes les heures sur l’ensemble de leur trajet. Il y a donc des réserves de capacités non utilisées. Remplir un bus aujourd’hui à moitié vide ne coûte pas plus cher mais rapporte davantage. C’est tout l’intérêt d’attirer une clientèle moins captive et de répondre à une plus grande diversité de motifs de déplacements. Les trams et bus sont alors utilisés de manière plus constante A titre indicatif, la STIB couvre plus de la moitié de ses coûts d’exploitation, alors même que la politique bruxelloise en la matière n’est pas sans défaut. Ton calcul est donc faux quant tu prétends estimer les coûts d’exploitation à partir des recettes en te basant sur un taux de couverture constant. Soit dit en passant, c’est plutôt curieux d’estimer des coûts à partir de recettes…

Une telle politique doit effectivement s’accompagner d’une augmentation et d’un redéploiement de l’offre d’une part pour faire face à des problèmes de saturation aux points névralgiques de la Ville et d’autre part parce que des Liégeois seront plus nombreux à attendre que des besoins non ou mal rencontrés aujourd’hui soient pris en compte (en soirée, entre les pôles de première couronne,…). C’est pourquoi Vega propose de coupler la mesure avec l’inauguration du tram et un redéploiement quantitatif et qualitatif du réseau bus. Une modification en profondeur du réseau bus interviendra de toute façon, comme l’a confirmé Philippe Henry. Autant s’en saisir pour améliorer le service et favoriser une dynamique urbaine équilibrée entre les différents pôles et quartiers.

Cependant, l’augmentation des coûts d’exploitation n’est jamais proportionnelle à l’augmentation de l’offre comme tu sembles le penser. Au contraire, le coût par passager transporté diminue d’une part grâce à des économies d’échelle et d’autre part grâce à une utilisation plus continue du personnel et du matériel. Il est donc plus rentable d’investir des ressources en milieu urbain qu’ailleurs. Au moins jusqu’à certains seuils critiques, ça coûte d’autant moins cher par usager transporté que ceux-ci sont plus nombreux. La Région en aura donc pour son argent.

Il y a enfin des économies induites non négligeables sur d’autres postes, à commencer par l’entretien des routes, sans parler de toutes les formes de nuisances et de dépenses générées par le tout à la voiture et l’étalement urbain. Une part de celles-ci ont un impact non négligeable sur les budgets régional et communal.

La mesure serrait discriminatoire et impossible à mettre en pratique ?

Là, je ne vois pas le sens de l’argument. Pourquoi la Ville de Liège ne pourrait pas financer une partie de l’abonnement TEC des résidents domiciliés sur son territoire, même sur une zone tarifaire TEC plus large. Toutes les communes financent des avantages divers pour leurs administrés en fonction de leurs priorités. Rien n’empêche d’ailleurs les autres communes d’en faire autant. Ce serait même souhaitable. Mais attendre que toutes les communes de la périphérie se mettent d’accord est le plus sûr moyen de ne jamais rien faire. Après tout, ces communes ont joué la concurrence avec le centre-ville en bonne partie grâce à leur accessibilité en voiture, notamment pour l’implantation de zones commerciales et économiques. La Ville de Liège serait donc bien inspirée de tabler sur un de ses avantages comparatifs naturels : la meilleure desserte en transports publics. Et si ça posait vraiment un problème, les zones tarifaires peuvent se modifier…

Il n’y a pas suffisamment de place à Liège pour combiner transports publics, mobilité douce et stationnement ?

On croirait entendre un argument de Touring. On laisse les choses en l’état, à une ou deux transformations cosmétiques près au nom du « réalisme » ? L’idée de base de Vega est de créer une pression populaire et institutionnelle plus forte pour un meilleur partage de l’espace public et une affectation du territoire plus raisonnée. Une fois enclenchée, la dynamique conduira spontanément à diminuer la demande pour du stationnement en voirie sans que chaque emplacement supprimé ne conduise à une levée de boucliers.

Avec l’abonnement à un euro, tant la SRWT que la Ville auront un intérêt sonnant et trébuchant pour améliorer les conditions de déplacements des usagers faibles et des transports en commun. La SRWT voudra assurer des conditions efficaces d’embarquement et de débarquement et voudra éviter l’engorgement du fond de vallée. La Ville se rendra enfin compte que chaque trajet parcouru à pied ou à vélo est de loin ce qui lui coûte le moins cher. La Ville sera aussi heureuse de favoriser la vitesse commerciale des TEC partout où c’est possible en obtenant en échange une réduction du coût de la mesure à sa charge. Les économies potentielles à réaliser en diminuant ou supprimant les temps à l’arrêt autres que pour permettre aux usagers de monter et de descendre sont impressionnantes. Elles financeraient à elles seule une augmentation non négligeable de l’offre. L’investissement serait ainsi très vite amorti. On y a peut-être déjà pensé mais personne ne l’a mis en œuvre jusqu’ici en Wallonie. Le fait est que les gestionnaires de voirie sont jusqu’ici restés très réticents.

Le ministre Henry et tous les cyclistes et piétons, actuels et potentiels, seront ainsi certainement enchantés d’obtenir enfin un soutien structurel à une politique cyclable ambitieuse. Tant mieux si la dynamique peut s’appuyer sur des projets existants. Cela permettra de les booster et d’en faire des leviers structurels, de dégager les moyens nécessaires et de dépasser le stade de la politique symbolique.

Les bandes séparées ne sont par ailleurs pas la seule manière de partager l’espace public de manière plus conviviale et plus sécurisante. Voir à cet égard le concept de « Ville 30 » relayé entre autres par le GRACQ. Il est parfois tout aussi efficace et beaucoup moins coûteux de partager l’espace disponible autrement qu’au moyen de bandes dédiées à des usages distincts. Cela pourrait être vrai à Liège dans de nombreux quartiers dotés d’une identité forte et de rues étroites. Cela n’empêche pas qu’il y a encore une très sérieuse marge d’amélioration en matière de bandes dédiées aux TC et d’aménagements cyclables et piétons à des endroits stratégiques de la Ville.

En conclusion

Vega ne prétend pas, je pense que le changement de trajectoire ne coûtera rien. On ne sortira pas sans difficultés du tout à la voiture et de la marginalisation tant dans l’imaginaire collectif que dans les budgets des pouvoirs publics de tout autre rapport au territoire et à la mobilité. Ton post en est d’ailleurs un témoignage. Toute vision alternative est d’office associée quasi exclusivement à un coût, très vite trop élevé dès lors qu’on essaie, sans prétendre pour autant avoir réponse à tout, de penser un peu en marge du schéma toujours dominant. Le moindre des bénéfices de l’abonnement à un euro ne serait sans doute pas d’amener une bien plus grande part de la population, en ce compris commerçants et décideurs, à redécouvrir leur ville autrement que selon la lorgnette très déformante de l’automobiliste. Le rapport au temps, à l’espace et à la liberté en seraient fortement modifiés.

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